Récemment, une vidéo intitulée « La vérité sur les Antifas, Jaggi Singh et la Corruption de l’Université Concordia #StopQPIRG » a été diffusée sur Facebook et sur YouTube. Elle a initialement été partagée à partir de la page Facebook de « DMSQ », pour ensuite être retirée. Cependant, elle est encore sur YouTube, ici : www.youtube.com/watch?v=P8JDmapM6uc

Bien sûr, je suis antisémite, déteste les féministes et pense que les personnes trans sont des imposteurs. Et alors?

Normalement, une telle vidéo ne mériterait pas qu’on s’y attarde. Néanmoins, elle a été relayée par des sites Internet de type « clickbait » comme « La Clique du Plateau » et « Thug Life Quebec », ce qui lui a permis de rejoindre un public plus vaste que des interventions similaires dans les médias sociaux.

En ce qui concerne son contenu, cette vidéo est un exemple médiocre d’attaque contre des groupes de gauche —dans ce cas-ci, en développant un récit conspirationniste qui inclut un groupe étudiant en faveur de la justice sociale, l’Université Concordia, un militant bien connu de Montréal et les fameux « antifas »— tout en dénonçant l’influence excessive sur les campus des féministes ainsi que des personnes qui « croient en plus que deux genres ».

Derrière la vidéo

L’individu responsable de ce vidéo, qui en est également le narrateur, est connu sous le nom de « DMS » sur YouTube et Facebook et comme « DaMcLuv » sur Twitter (https://twitter.com/DaMcLuv). Son vrai nom est Maxime Morin; il a 22 ans et a récemment mené des  études à l’Université Concordia.


Morin est quelqu’un qui, dans le passé, n’a eu aucun scrupule à faire la promotion des idées de l’ancien Grand Wizard du KKK, David Duke (un antisémite et raciste notoire), du suprémaciste blanc Richard Spencer et du négationniste David Irving. Morin utilise lui-même la « triple parenthèse » (aussi appelé « l’écho »), un des trucs de l’extrême-droite pour blâmer les personnes juives de tous les maux (pour plus d’info, voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Triple_parenthèse ou www.adl.org/education/references/hate-symbols/echo). Morin a également retweeté des tweets du groupe islamophobe Pegida Québec.

Morin n’aime clairement pas Jaggi Singh (et est en quelque sorte obsédé par lui depuis la manifestation anti-Trump de janvier 2017, à Montréal, où il s’est fait expulser du cortège après avoir bousculé des manifestant-e-s tout en portant des pancartes de « Infowars », le site web d’extrême-droite, pro-Trump et conspirationniste géré par Alex Jones). De manière plus générale, Morin fait preuve d’une aversion envers les féministes, les personnes trans, et d’autres catégories souvent visées par l’extrême-droite, comme les personnes immigrantes et musulmanes. Il a aussi l’habitude de cibler des individus ; avant Jaggi Singh, il s’est attaqué à Dalila Awada et à Lili Boisvert de façon clairement sexiste. Sur Internet, il est mis de l’avant par André Pitre (aka « Stu Pitt »), un individu qui travaille étroitement avec La Meute et diffuse diverses théories du complot islamophobes et racistes ainsi qu’un discours antiféministe ignoble.

On peut nettement voir l’antisémitisme et le racisme de Morin sur son fil Twitter (https://twitter.com/DaMcLuv). Voir l’exemple ci-dessous, l’un de nombreux retweet de l’ancien Grand Wizard du KKK et pourriture über raciste David Duke. (Une sélection de ces re-tweets est reproduite à la fin de cet article.)


De plus, Morin, qui est à l’évidence un fan de théories conspirationnistes, pense que le massacre perpétré par Alexandre Bissonnette au Centre culturel islamique de Québec le 29 janvier 2017, qui s’est soldé par la mort de six musulmans et plus de vingt blessés, était une « fausse bannière » orchestrée par une soi-disant « gauche radicale ».

Le backlash sur les campus mis en contexte

La droite et l’extrême-droite ont toujours attaqué la gauche. Partout au Canada, des campagnes visant à couper le financement de divers GRIP (Groupe de recherche d’intérêt public), qui servent souvent de plaque tournante pour les groupes de gauche sur les campus, ont rassemblé des étudiants de droite et conservateurs de diverses tendances. En 2016, une telle campagne a réussi à faire couper le financement du GRIP de l’Université de Waterloo, en Ontario. De même, le GRIP de l’Université Queen’s a perdu son financement en 2011 (mais a ensuite réussi à le récupérer). Tandis qu’en Ontario de telles campagnes sont menées par des activistes du Parti conservateur de concert avec d’autres personnes de droite (voir l’article détaillé de Briarpatch « Defunding the public interest »: https://briarpatchmagazine.com/articles/view/defunding-the-public-interest), l’obsession maladive de l’extrême-droite québécoise à l’égard de Jaggi Singh (qui travaille au GRIP de l’Université Concordia et qui est régulièrement désigné par les médias comme le chef de la gauche radicale montréalaise) laisse entendre que d’autres forces sont entrées dans la mêlée.

Bien que la lutte contre le financement des GRIP n’ait pas généralement été un point central des mobilisations d’extrême-droite jusqu’à maintenant, l’importance que l’Alt-Right américaine accorde au recrutement et à l’organisation sur les campus ainsi que l’apparition d’affiches faisant la promotion d’organisations racistes et fascistes sur les campus canadiens suggèrent que cela pourrait être en train de changer. En effet, le cas de Maxime Morin semble indiquer que des liens sont déjà faits.

Ce que vous pouvez faire

– Signaler sur les médias sociaux et ailleurs que DMS/DaMcLuv est en fait Maxime Morin, un antisémite, transphobe, antiféministe et raciste.

– Formuler une plainte à l’encontre des vidéos diffusés par DMS/DaMcLuv/Morin sur YouTube.

– Contacter les sites web de La Clique du Plateau and Thug Life Quebec pour leur faire remarquer qu’ils font la promotion d’un vidéo réalisé par un individu ouvertement antisémite et raciste.