Résumé

Storm Alliance (SA) est une organisation anti-immigration active au Québec depuis 2016, née d’une rupture avec Soldiers of Odin (SOO), une organisation plus ouvertement raciste. Le leader du groupe au Québec jusqu’à récemment était Dave Tregget, anciennement chef de Soldiers of Odin, qui n’a jamais caché que son objectif est d’unir l’extrême droite et d’en adoucir l’image1. En janvier 2018, Tregget a démissionné suite à des allégations de harcèlement sexuel;  il a été remplacé à la tête de l’organisation par Éric Trudel.

Combien de membres compte Storm Alliance et que font-ils?

Le groupe affirme avoir 3 000 membres au Canada, mais ce chiffre ne représente en fait que les personnes qui ont adhéré à leur groupe Facebook. Dans les faits, ils ont souvent eu de la difficulté à mobiliser plus de quelques dizaines de membres à leurs événements. Leur premier « grand » événement a eu lieu le 1er juillet 2017 au chemin Roxham, à Hemmingford, où ils se sont rassemblés pour intimider les migrant-e-s qui traversent la frontière. Même avec les renforts du groupe islamophobe La Meute, ils n’ont pu réunir qu’entre 60 et 70 personnes.

Les membres de SA ont aussi essayé de se joindre à une manifestation contre les réfugié-e-s organisée par des suprématistes blancs au Stade olympique de Montréal, le 6 août dernier. Quand il est devenu clair que les contremanifestant-e-s allaient être en nombre supérieur, les organisateurs ont annulé leur manif et les membres de SA ne se sont pas présentés2.

Ils ont aussi essayé de se joindre à la manifestation de La Meute à Québec le 20 août dernier, mais à leur arrivée, ils ont été repoussés par La Meute en raison de frictions internes entre les deux groupes. La veille (19 août), SA avait participé à une plus petite manif à Québec, en compagnie de racistes notoires, dont La Meute s’était publiquement distancée.

Le 30 septembre 2017, SA est retournée à la frontière, cette fois-ci au passage de St-Bernard-de-Lacolle. Comparé à leurs mobilisations précédentes, ce fut un succès relatif pour eux, puisqu’une bonne centaine de personnes ont participé à cette manifestation « contre les Libéraux ». Malgré le fait que Storm Alliance insistait que leur action à la frontière n’était pas anti-immigration, les antifascistes ont facilement identifié plusieurs personnages d’extrême droite parmi les manifestants SA, dont Shawn Beauvais-Macdonald et Vincent Mercure Bélanger (du milieu alt-right néonazi Montréalais), et d’autres racistes notoires comme Chantal Duchesneau, Robert Proulx et René Blaireau. (Voir https://montreal-antifasciste.info/fr/2017/10/07/storm-alliance-a-lacolle-une-manif-pas-raciste-mais/)

Storm Alliance s’est aussi mobilisée le 25 novembre 2017, à Québec, en collaboration avec La Meute. Plusieurs centaines de personnes ont pris la rue pour dénoncer la commission publique contre le racisme systémique qui, ironiquement, avait déjà annulée le 18 octobre par le gouvernement libéral. En plus des membres des Three Percenters (une milice d’extrême droite surtout basée aux États-Unis), des Soldats d’Odin, et du milieu alt-right Montréalais, il y a une participation ouverte du groupe néofasciste Atalante, dont le cortège a été chaudement applaudi par les autres manifestant-e-s à leur arrivée.

Cependant, au début 2018, Dave Tregget a démissionné de Storm Alliance suite à des allégations de harcèlement sexuel. Depuis ce temps, le nouveau chef, Éric Trudel, semble avoir de la misère à organiser quoi que ce soit.

 

Storm Alliance est-elle vraiment raciste ou fasciste?

SA répète qu’elle n’est pas raciste, ni même opposée à l’immigration, mais uniquement à « l’immigration illégale ». Cette posture concorde avec la stratégie mise en place par Tregget dans le but d’adoucir l’image de l’extrême droite.

Il est important de noter que selon le Barreau du Québec, il n’y a pas d’immigration « illégale » : d’un point de vue juridique, cette catégorie n’existe tout simplement pas3. Les dispositions de l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis forcent les personnes qui veulent demander un statut de réfugié au Canada à traverser de manière irrégulière à des endroits comme le chemin Roxham. L’étiquette fallacieuse « illégaux » est une manipulation du langage visant à projeter l’impression que les réfugié-e-s font quelque chose de mal ou qu’ils et elles sont des criminel-le-s.

SA propage cette confusion en pleine connaissance de cause, en accusant les réfugié-e-s ayant traversé la frontière cet été de « passer avant leur tour » et en se plaignant du nombre d’hommes qui passent la frontière, ce qui alimente la phobie raciste envers les hommes de couleur. Dave Tregget lui-même, en parlant des réfugié-e-s haïtien-ne-s arrivé-e-s en 2017, a dit : « je ne dirai pas que c’est une invasion, mais je ne dirai pas le contraire4 ».

SA attire toutes sortes de personnes, dont des gens sincèrement préoccupés par les messages que propagent les médias au sujet de l’immigration, mais aussi des suprématistes blancs et des néonazis. Il est important de noter que même si SA insiste sur le fait qu’elle n’est pas une organisation raciste, ses porte-parole n’ont jamais dénoncé ou désavoué la présence de racistes connu-e-s lors de leurs événements.L’un de leurs membres, Jean-François Dionne, a participé à la manifestation du 20 août à Québec en portant un drapeau nazi. Tandis que La Meute s’est dépêchée de se dissocier de cet individu, SA a refusé de l’exclure en prétextant que toute l’affaire n’était qu’une erreur de bonne foi5. Et ce n’est pas un incident isolé! SA se fait un point d’honneur d’accueillir quiconque adhère à des politiques anti-immigration. Récemment, le nouveau groupe anti-immigration Northern Guard a annoncé que ses membres se joindraient à SA le 30 septembre prochain6, et c’est le groupe néonazi « ethniquement conscient » Canadian National Front qui a pris en charge l’organisation du rassemblement de Peterborough, en Ontario, dans le cadre de la journée d’actions anti-immigration appelée par SA7.

Cela dit, SA n’est pas une organisation fasciste à proprement parler. Ils n’ont pas pour but de renverser le gouvernement ou d’instaurer une dictature. C’est plutôt une organisation populiste et nationaliste s’appuyant sur des politiques racistes opposées à l’immigration et au multiculturalisme et qui tolère la participation de membres suprémacistes blancs et néonazis. Ceci est un exemple d’une tendance observée par les antifascistes en 2017 : les milieux national-populistes plus mainstream se montrent de plus en plus disposés  à collaborer avec des groupes et individus ouvertement fascistes.

 

Pourquoi est-il important de s’opposer à Storm Alliance?

L’époque actuelle est catastrophique à plusieurs égards. Les guerres, les famines et les cataclysmes naturels mettent en danger la vie de centaines de millions de personnes. Les pays riches comme le Canada sont en partie à blâmer pour cette accablante situation. Les gouvernements du Canada et du Québec, par exemple, ont soutenu le coup d’État contre le président démocratiquement élu d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide, en 2004. C’est l’interventionnisme occidental dans le monde musulman qui a créé les conditions où des groupes comme Daesh (l’État islamique) ont pu prospérer et gagner du terrain. Ce sont nos émissions de carbone qui causent la famine en Afrique subsaharienne et les inondations dévastatrices en Asie du Sud.

En conséquence, le taux de migration est actuellement à son plus haut point et les migrations forcées ne feront qu’augmenter dans le futur. Actuellement, le Canada ne fait que le strict minimum pour aider les gens qui sont en quête de sécurité pour eux-mêmes et pour leurs êtres chers. En fait, il aggrave la situation en maintenant ses frontières fermées et en participant à des structures politiques comme le G7, tout en poursuivant l’exploitation brutale de la main-d’œuvre et des ressources de nombreux pays d’Asie, d’Afrique et du reste des Amériques.

Sans opposition, des groupes comme Storm Alliance ont beau jeu de se présenter comme des « citoyens inquiets » adoptant une position « légitime », tandis que leur programme raciste et leurs liens avec l’extrême droite passent inaperçus. Ils jouent un rôle important en semant la confusion et en essayant de transformer une crise humanitaire en combat réactionnaire contre des personnes soi-disant « indignes » et « illégales ». Ils renforcent le raisonnement qu’emploie le gouvernement canadien pour continuer à déporter des gens dans des conditions dangereuses et entretenir une situation où des dizaines de milliers de personnes doivent vivre sans services de base, sans droits et sans sécurité durant leur séjour au Canada. Et lorsque le gouvernement, au nom des riches et des sociétés multinationales, sabre dans les programmes sociaux venant en aide aux plus démuni-e-s et à la classe ouvrière canadienne, des groupes comme Storm Alliance protègent de facto les vrais coupables dans la mesure où ils désignent nos amis et voisins d’autres pays comme boucs émissaires.

Nous devons tous et toutes prendre position contre le programme anti-immigration. Nous devons montrer que nous n’avons pas peur des racistes et exprimer avec force notre colère contre des groupes comme Storm Alliance, dont la rhétorique ne fait qu’alimenter la violence contre les réfugié-e-s. Il est important de manifester pour que les réfugié-e-s ne se sentent pas seul-e-s lorsqu’ils et elles sont confronté-e-s à l’extrême droite.

[1]   http://www.cbc.ca/news/canada/montreal/quebec-far-right-soldiers-of-odin-1.3896175

[2]   https://montreal-antifasciste.info/fr/2017/08/07/6-aout-2017-plantage-epique-des-racistes-a-montreal/

[3]   http://www.barreau.qc.ca/fr/actualites-medias/lettres-medias/2017/0825

[4]   https://montreal-antifasciste.info/fr/2017/08/07/6-aout-2017-plantage-epique-des-racistes-a-montreal/

[5]   https://montreal-antifasciste.info/fr/2017/09/13/le-torchon-brule-entre-la-meute-et-storm-alliance/

[6]   https://www.vice.com/fr_ca/article/wjjmjw/un-nouveau-groupe-ultranationaliste-montrera-ses-couleurs-le-30-septembre

[7]   http://globalnews.ca/news/3729276/group-plans-anti-trudeauillegal-immigration-rally-in-peterborough/