Le 24 août 2019 a eu lieu au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle une petite manifestation anti-immigration coordonnée par le Groupe de sécurité patriotique (GSP) et soutenue par un assortiment d’énergumènes sortis tout droit de la fachosphère, dont un néonazi bien connu ayant fait le voyage depuis l’Ontario avec d’autres ultranationalistes canadiens pour s’acoquiner avec nos « patriotes » locaux!

Ces manifestant-e-s, qui adhèrent à une version alternative de la réalité ancrée dans diverses théories complotistes (dont le prétendu « grand remplacement » de la population québécois/canadienne/occidentale/blanche au moyen d’une « immigration de masse » qui serait orchestrée par « l’élite globaliste » et l’ONU; il s’agit précisément de la théorie raciste qui a inspiré les tueurs de Christchurch et d’El Paso…), s’étaient donné rendez-vous à Saint-Bernard-de-Lacolle pour dénoncer l’accueil au Canada d’immigrant-e-s et de réfugié-e-s « illégaux »[i].

 

Une mobilisation ratée

Le rassemblement du 24 août a d’abord été appelé par Lucie Poulin, une organisatrice clé du Parti patriote, lequel tente actuellement de recueillir suffisamment de signatures pour présenter des candidatures aux élections fédérales de 2019. Le Parti patriote est un groupe nationaliste québécois d’extrême droite qui était présent aux mobilisations de la Vague bleue, mais qui s’est depuis quelque peu brouillé avec ses organisateurs suite à une montée de lait publique de Poulin. Sans grande surprise, ses sujets de prédilections sont l’opposition à « l’immigration de masse » et au « racisme anti-québécois ».

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La mobilisation d’extrême droite du 24 août est restée très tiède, malgré l’annonce par Robert Proulx, le leader du Groupe Sécurité Patriotique (GSP), que son groupuscule endossait l’initiative et serait sur place pour en assurer la sécurité.

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C’est d’ailleurs un Robert Proulx déconfit et au bord de la dépression qui a publié au lendemain de la manifestation une vidéo dressant un bilan négatif et déçu de la mobilisation… sans toutefois dire un mot sur la présence d’un gros néonazi à ses côtés toute la journée!

Le petit chef du Groupe de Séurité Patriotique (GSP), Robert Proulx, comme cul et chemise avec Kevin Goudreau, le militant néonazi du Canadian Nationalist Front.

 

De nouvelles accointances douteuses…

Parmi la quarantaine de personnes ayant répondu à l’appel se trouvait un petit contingent de « gilets jaunes » canadiens de la région de Toronto/Hamilton et le militant néonazi Kevin Goudreau, de Peterborough… qui a même été invité à prendre le micro à plusieurs reprises!

Goudreau, le tristement célèbre leader du  Canadian Nationalist Front, a un long historique de militantisme ultranationaliste et a récemment fait les manchettes pour avoir appelé ses sympathisants à tuer des membres du Anti-Hate Network, des journalistes et des antifascistes. À un moment donné, le nazi a même entraîné la foule à scander le slogan : « 100 personnes, un cœur! ».

“I’m proud of my heritage; we’ve been here for 400 fucking years. And we don’t need, these fucking… god-dam fucking ragheads (sic) coming here and telling us how to live our life. Our heritage, our homeland. (…) We’re not immigrants. We did not immigrate here. We built this country, from garbage, from nothing.”

(Traduction: Je suis fier de mon patrimoine; ça fait 400 ans que nous sommes ici. On n’a pas besoin de ces ostie d’enturbannés pour venir nous dire quoi faire de nos vies. Notre patrimoine, notre pays. (…) Nous ne sommes pas des immigrants, nous n’avons pas immigré ici. Nous avons bâti ce pays à partir de vidanges, à partir de rien.)

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Juste avant, Johane Voyer, présentée comme la responsable des relations avec les médias pour GSP, avait prononcé un long discours aussi délirant que décousu :

« (…) Nous sommes Storm Alliance, Les Gardiens du Québec, La Meute… Nous sommes Atalante, nommez-les… MÊME, nous sommes les antifas! (…) »

« Nos élites politiques veulent faire du Canada et du Québec un pays surpeuplé d’immigrants. (…) Trudeau entre autres, entre 2019 et 2020, s’il est réélu, il veut en faire entrer un million. (…) Le Canada a le plus haut taux d’immigration dans le monde. On nous le rentre de force. L’immigration de masse, les réfugiés, qui traversent au nom du tiers pays, des supposément demandeurs d’asile légal ou illégal (sic). Depuis 15 ans minimum, le pays accepte deux fois plus d’immigrants que les États-Unis et quatre fois plus que la France. Ce qui veut dire deux à deux fois et demie par habitant (sic). Si cela ne signifie pas une assimilation du peuple, dites-moi ce que cela veut dire. »

« Il n’y a plus un seul francophone au Manitoba. »

Le vociférant Michel Malik Éthier, dont il a plusieurs fois été question sur ce site, a quant à lui pointé du doigt l’ONU comme principal ennemi du peuple québécois :

« C’est l’ONU qui pousse Trudeau à ça. Trudeau il se sert d’une arme qu’on appelle « multiculturalisme » pour en venir aux fins de son mondialisme (sic). Le remède, l’antidote à ça, c’est ce que je vois devant moi, là, c’est le patriotisme. C’est pour ça qu’ils s’attardent à détruire le nationalisme en soi. Que ça soit le nationalisme québécois ou le nationalisme canadien, ce nationalisme-là est un poison pour Trudeau. (…) Trudeau, en laissant la porte ouverte à n’importe quel migrant, il nous met en danger. »

Éthier, suivant l’exemple de Voyer et d’autres intervenant-e-s, a ensuite inexplicablement décidé de s’adresser en anglais aux quelques douzaines de manifestant-e-s rassemblé-e-s. On pourrait d’ailleurs s’étonner de voir autant de patriotes québécois manifester sous un gigantesque unifolié et prendre la parole en anglais pour tendre la main à des ultranationalistes Canadiens, mais pour ces soi-disant patriotes, la défense du « peuple » et du territoire national contre la menace imaginaire de « l’immigration de masse » semble désormais passer avant l’aspiration à l’indépendance nationale du Québec!

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Robert Proulx, alias Bob le Warrior, le leader de GSP, a à son tour pris le micro pour défendre la pratique consistant à s’accoutrer en soldats de surplus pour « défendre » les rassemblements identitaires. Fidèle à son habitude de menteur compulsif, il a commencé en disant que GSP « sécurise les manifs » depuis cinq ans, alors que le groupe n’existe que depuis un an tout au plus et que Proulx lui-même n’a commencé à apparaître dans les manifs de La Meute qu’en 2017. Robert, tu peux bien continuer à bourrer tes suiveux avec tes menteries grosse comme un truck. Un plein de marde, ça reste un plein de marde…

« Ce qui est blessant, c’est d’entendre des commentaires sur Facebook qu’on a l’air des ti-clounes habillés en militaires. »

Donald Proulx, du Parti patriote, a enchaîné avec une série de statistiques douteuses sur « l’assimilation des francophones » :

« [La nation francophone à travers le Canada] En 1766, on était à 99 %, on peut dire que ça allait très bien à ce moment-là. (…) Aujourd’hui, on parle qu’on est en bas de 20 %. Avec l’immigration massive et illégale, ça va continuer à descendre encore beaucoup plus vite. (…) Les partis nationalistes sont en train d’exploser en Europe présentement. Ça nous prend ce genre de politique-là ici, et ça aurait dû commencer depuis au moins 15 ans. Le Parti patriote va être là, pas juste au fédéral, on va être là aussi au provincial, pis on va même viser le municipal, on va être partout. »

 

Une opposition discrète

Une discrète mobilisation antifasciste est restée en position de retrait toute la journée, observant les xénophobes à distance. Jugeant qu’il valait mieux dans les circonstances laisser aux racistes toute la corde dont ils avaient besoin pour se pendre entre compatriotes, il a été décidé au final de ne pas se prêter au classique face-à-face avec eux. D’autant plus que les forces policières déployées sur le terrain semblaient déterminées à soutenir logistiquement la manifestation anti-immigration et à harceler les antiracistes.

Lucie Poulin et Robert Proulx se sont tous deux félicités dans leur bilan de l’événement du fait que la police les a étroitement escortés toute la journée. Des policiers ont même été vus blaguant et socialisant avec les xénophobes.

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Complicités manifestes à Lacolle

Si la plupart des manifestant-e-s ont fait plusieurs heures de route pour se rendre au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, pour certains le voyage était beaucoup moins long.

André Lafrance, un conseiller municipal de Saint-Bernard-de-Lacolle, était présent au rassemblement. Loin de se désolidariser des racistes, il s’est mêlé à la petite foule et a publié un album photo de la journée accompagné d’un commentaire dithyrambique.

Il semble aussi que le point de rencontre des racistes, le IGA Dauphinais, n’ait pas été choisi par hasard. Après avoir été clairement accommodé-e-s dans le stationnement et les alentours du centre d’achats, les manifestant-e-s ont été chaudement accueillis au restaurant au retour de leur manifestation. Nous commençons à observer là un pattern, et nous pencherons certainement avec une plus grande attention sur cette préoccupante complicité locale lors des prochaines mobilisations dans le secteur frontalier.

 

Pas un pour rattraper l’autre…

Après le fiasco de la Vague bleue à Trois-Rivières, le petit milieu national-populiste qui se regroupe autour de GSP vient de nous donner la preuve que ses membres ne sont guère mieux que leurs rivaux des Gardiens du Québec, allant même jusqu’à donner une belle tribune à un néonazi pourtant très connu!

Pour la petite histoire, avant le rassemblement du 24, Lucie Poulin avait brassé de la marde dans le milieu en s’attaquant à John Hex, le principal organisateur de la Vague bleue, ainsi qu’à Storm Alliance pour n’avoir pas immédiatement endossé son initiative. Sa critique a été reprise par Robert Proulx et Sylvain Lacroix de GSP, qui étaient encore effarouchés de s’être fait dire par les organisateurs de la Vague bleue de ne pas venir à la deuxième édition de la VB à Trois-Rivières en tenues paramilitaires (d’où le commentaire de Proulx ci-dessus); en réponse Éric Trudel, le chef de Storm Alliance, s’en est mêlé en disant que « les Storms » ne retourneraient plus à la frontière, tout en soulignant que les individus derrière la manif du 24 sont les mêmes qui sèment toujours la marde partout.

Pour ce qu’y en est de La Meute, cette organisation en crise permanente et saturée d’hypocrites, Wolfric Oullet (le bras droit du grand chef Sylvain Brouillette) a pris la peine de critiquer les anciens membres et « dissidents » qui s’étaient joints à la manif : « Asti de gang d’imbéciles vous este pas digne de porter et de véhiculer notre Nom et Nos couleurs apres les avoir brûlé et avec ce que vous en faite maintenant shame on you all bande de cave ».

Ce à quoi nous assistons actuellement au Québec est une remontée à la surface de tous les pires éléments du fin fond fangeux de l’extrême droite, dans un contexte où les deux principales organisations actives depuis quelques années, La Meute et Storm Alliance, sont en retrait. Toutes sortes d’individus un peu moins habiles et plus francs dans leur racisme profitent de ce repli pour se mettre de l’avant.

Une situation à surveiller.

 

 

 


[i]           Le poste frontalier de Lacolle est devenu un endroit prisé pour l’extrême droite dans son opposition à l’immigration. Un grand nombre de migrant-e-s traversent la frontière au Chemin Roxham, tout près du poste frontalier, pour fuir une situation de plus en plus répressive aux États-Unis. Comme le régime Trump a refusé de renouveler divers accords permettant aux gens de rester légalement dans ce pays, les gens viennent au Canada dans l’espoir d’y trouver refuge. Cependant, en raison de l’hypocrite et meurtrier « Accord sur les tiers pays sûrs », ces personnes sont refusées si elles se présentent à un poste frontalier régulier. C’est pourquoi iels sont obligé-e-s de traverser à un passage irrégulier. Roxham Road est ainsi devenu l’un des plus importants (et le plus célèbre) de ces points de passage.

Plutôt que de reconnaître la situation à la frontière pour ce qu’elle est — la pointe de l’iceberg d’une crise humanitaire mondiale alimentée par les guerres impérialistes, la destruction écologique et le racisme —, les organisations d’extrême droite s’accrochent à la question de ce qu’elle appelle « l’immigration illégale » pour attirer l’attention des médias et attiser les sentiments et comportements racistes. Il est important de noter que selon l’Association du Barreau du Québec, il n’existe pas d’« immigration illégale »; ce n’est pas une catégorie juridique. L’emploi du terme « immigrant-e-s illégaux » est une déviation discursive pour laisser entendre que les réfugié-e-s font quelque chose de mal ou sont des criminels.