En tant que collectif antifasciste et antiraciste, il nous paraît important de prendre position sur les mesures actuelles concernant la santé publique et particulièrement sur le couvre-feu que vient d’imposer le gouvernement Legault.

Le couvre-feu n’est pas une mesure anodine. Ni au Québec ni ailleurs. Elle n’est utilisée qu’en temps de guerre ou bien par des gouvernements autoritaires, voire dictatoriaux. Nous pouvons légitimement nous interroger sur la nécessité et la fonction politique d’une telle mesure et nous inquiéter de la timide réaction de Québec Solidaire, le seul parti d’opposition de gauche à l’Assemblée nationale.

Depuis le début de la pandémie, les décisions du gouvernement Legault ont semblé souvent improvisées et contradictoires et manquent généralement de transparence. Il aura fallu beaucoup de temps pour promouvoir le port du masque comme mesure minimale pour lutter contre une pandémie déjà meurtrière. Pourtant, de nombreuses voix préconisant cette mesure s’étaient déjà fait entendre. Il a fallu que les stocks de masques soient renouvelés, un peu tard, pour que l’importance du port du masque soit finalement reconnue par le gouvernement. Ces hésitations donnèrent bien des munitions aux complotistes. La suite fut à la mesure de ces errements. Des semi-fermetures économiques, des écoles qui rouvrent trop tôt, des mesures pour favoriser les grands centres commerciaux aux dépens des petites entreprises. Des voyages et des regroupements autorisés, puis interdits, en l’espace de quelques jours. Un comportement erratique et arbitraire qui causa bien du stress et nourrit autant l’incertitude que les théories du complot dans la mesure où il a été interprété comme la preuve qu’on nous cache quelque chose.

Et de fait, on nous cache des choses. Les pénuries de matériel, à commencer par les masques, ont été occultées ou minimisées. La multiplication d’études soulignant l’importance des aérosols (et pas seulement des gouttelettes) dans la transmission du virus semble avoir été longtemps ignorée. De même, les données sur lesquelles se base le gouvernement ne sont pas toujours publiques ou sont révélées tardivement, suite à des pressions de journalistes. Le gouvernement Legault essaie de persuader la population qu’être un-e citoyen-ne responsable équivaut à faire preuve d’une loyauté aveugle. Combinant allègrement paternalisme et autoritarisme, il tente de détourner notre regard de la portée politique des décisions qu’il prend. Comme si tout dépendait de notre comportement individuel, comme si la situation actuelle n’était pas en grande partie le résultat de décennies de sabotage de la santé publique (sous-investissement chronique, mauvaises conditions de travail, salaires de misère, pénurie de main-d’œuvre, structure hypercentralisée, etc.), et comme si le coût de la pandémie n’était pas distribué inéquitablement.

La décision d’imposer un couvre-feu cache en fait un laisser-aller désolant. Pendant que l’on se focalise sur ce couvre-feu, les écoles rouvrent et les usines aussi. Or, les données les plus récentes indiquent que ce sont les deux lieux de propagation les plus importants au Québec. D’autant plus que malgré les déclarations du gouvernement, on est en droit de douter que la qualité de l’air des écoles se soit soudainement améliorée et que la ventilation des salles de classe sera suffisante en plein hiver.

Alors que faire, comme dirait l’autre?

Nous ne sommes pas absolument contre l’idée d’adopter un couvre-feu, qui pourrait s’avérer nécessaire dans certaines circonstances exceptionnelles. Il semble d’ailleurs avoir permis de freiner ponctuellement la contagion dans certains pays qui l’ont utilisé, comme la France. Mais il semble aussi inefficace dans d’autres pays, comme le Chili qui a un couvre-feu en vigueur depuis la fin mars 2020. En d’autres termes, d’autres mesures semblent plus importantes que le couvre-feu pour véritablement freiner la contagion. C’est une question difficile qui demanderait des études sur la question et non pas une décision prise on ne sait comment sous le coup de la panique. Le couvre-feu est imposé sans véritable justification scientifique, sans s’appuyer sur des études qui démontreraient sa nécessité et son efficacité. Et surtout, cela devrait être une mesure de dernier recours, à mettre en place lorsque toutes les autres options ont été épuisées. Ce qui n’est clairement pas le cas.

Alors pourquoi ce couvre-feu? Nous pensons qu’il s’agit avant tout d’un geste politique visant à intimider la population et à produire l’illusion de l’action. Bien que le comportement d’une minorité contribue à la dynamique de la contagion, le gouvernement ne peut se dérober à ses propres responsabilités et avoir recours à un autoritarisme sanitaire comme principale politique.

Nous ne pouvons accepter ce subterfuge cynique et rejetons autant les appels à la délation que les logiques autoritaires.

Face à la pandémie, la santé publique sera solidaire ou ne sera pas!