Un raciste qui sait qu’il est raciste est-il plus ou moins raciste qu’un raciste qui ignore qu’il est raciste? Lancinante question, puisqu’il semble qu’un trait presque universellement répandu chez les racistes soit de nier énergiquement leur racisme, une posture de déni symbolisée par la désormais classique formule « pas raciste, mais… ».
Les participant-e-s à la manif antifasciste à Lacolle, le 30 septembre dernier, ont été quelque peu stupéfait-e-s de la réaction enjouée des manifestant-e-s de Storm Alliance au slogan [♫ Tout le monde… déteste les racistes! ♫]. En effet, les douzaines de mononcles et de matantes blanc-he-s comme neige venu-e-s des quatre coins du Québec pour protester, nous dit-on, contre « l’immigration illégale » et « les politiques du gouvernement Trudeau », se sont mis-e-s à leur tour à entonner ce même slogan avec le plus vif enthousiasme.
Face à face à la frontière de Mario Jean sur Vimeo
Les « Stormers » et consorts n’en sont certes pas à une contradiction près, mais il est tout de même étonnant de constater le déni dans lequel certain-e-s persistent… à moins bien sûr que ça soit une stratégie délibérée pour donner à leur mouvement identitaire un vernis de légitimité. Cette dernière hypothèse serait d’ailleurs soutenue par les messages suivants envoyés aux Stormers par les administratrices de ses pages Facebook après le 30 septembre dans un effort visant à « nettoyer » les manifestations les plus disgracieuses de haine et de racisme sur les médias sociaux.
Quoi qu’il en soit, il est temps de remettre certaines pendules à l’heure. C’est bien beau de répéter comme des simplets sous hypnose que « tout le monde déteste les racistes », mais s’il faut rappeler aux Stormers un peu innocent-e-s que leur manif pullulait de racistes impénitents et de sympathisants nazis, on va arranger ça tout de suite.
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Passons déjà sur la subtile référence du nom Storm Alliance (SA) à la formation paramilitaire du parti nazi, Sturmabteilung (aussi SA), et sur la vague ressemblance de leur logo avec celui de cette même formation. Dave Tregget, le chef du groupe, insiste sur le fait que toute ressemblance à cet effet ne saurait être que fortuite… Ach so, jawohl herr Leiter.
Passons aussi sur le fait que la manif de Storm Alliance devait avoir lieu précisément au poste-frontière de Lacolle, tout juste devant le camp de fortune érigé pour accueillir la récente vague de réfugié-e-s. (C’est d’ailleurs en occupant l’entrée principale du camp que les antifascistes et antiracistes ont pu empêcher Storm Alliance de passer et d’intimider les réfugié-e-s –symboliquement, car le campement était en fait désert. N’en déplaise aux Stormers, qui n’ont d’autre choix, pour sauver la face, que de se convaincre eux-mêmes contre toute évidence qu’ils ont gagné cette bataille.) Là encore, un peu bizarrement, Dave Tregget a assuré aux médias que sa manif « n’avait rien à voir avec l’immigration ». Il est tout de même permis de se demander pourquoi ils ont choisi ce lieu précis, mais bon…
Il est plus difficile cependant d’ignorer le fait que les autres manifestations organisées au Canada le 30 septembre, À L’APPEL DE STORM ALLIANCE, avaient un caractère explicitement anti-immigration et étaient organisées et peuplées par une panoplie d’individus et regroupements d’extrême droite (dont la Northern Guard, CCCC, les Proud Boys, le III%, etc.), dont le führer de pacotille du Canadian Nationalist Front, le néonazi Kevin Goudreau, à Peterborough. Lire à ce sujet les bilans et reportages du Groupe de recherche sur l’extrême droite et ses allié-e-s et d’Anti-Racist Canada, ici et ici.
Mais, trêve de considérations préalables, entrons donc dans le vif du sujet et nommons certain-e-s des (pas) racistes notoires identifié-e-s parmi la foule de Sturmers…
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… en commençant par le low-key néonazi, Shawn Beauvais MacDonald qui, dirait-on, est de tous les rassemblements nationalistes identitaires. Il est désormais de notoriété publique que cet ancien administrateur de la page Facebook de La Meute a participé aux mobilisations suprémacistes à Charlottesville, en Virginie, en août dernier. Il a peu après été repéré à la manif de La Meute à Québec, le 20 août, malgré l’assurance des chefs de l’organisation qu’il en avait été suspendu. Mais voilà t’y pas que Beauvais-MacDonald retontit de nouveau à Lacolle, coiffé du classique casque de baseball rouge auquel il nous a habitué-e-s le 4 mars, le 23 avril, le 1er juillet, et encore à Charlottesville!
Depuis son passage remarqué en Virginie, et malgré sa soudaine notoriété, Beauvais-MacDonald ne s’est pas du tout gardé de petite gêne, et en a plutôt rajouté une couche en partageant dans les jours suivants les « 14 words », une phrase-code inspirée à son auteur par Mein Kampf et universellement reconnue comme un slogan suprémaciste blanc.
En entrevue à The Gazette, Beauvais-MacDonald affirmait « qu’il n’y a rien d’intrinsèquement mauvais [avec le slogan] » et qu’en partageant les 14 words, il souhaitait « exposer le sentiment anti-blanc qui a été programmé dans ses parents et amis ». À Lacolle, il a expliqué au reporter de Vice s’être déplacé « contre les antifas qui en ont contre les Blancs ».
Plus récemment, il a assumé publiquement son attachement à la « plateforme fasciste » (sic) en reprenant sur Facebook la doctrine du fasciste anglais Oswald Mosley.
La réputation grandissante de néonazi de Shawn Beauvais-MacDonald n’a manifestement pas suffi à convaincre Tregget, Éric Trudel et les autres petits chefs de Storm Alliance de l’exclure de leur rassemblement…
Le lendemain du face-à-face à Lacolle, Beauvais-MacDonald publiait sur Facebook un message ne laissant aucune place à l’interprétation, avec en vedette le mot-clic #makefascismgreatagain. Notons les « likes » de Robert Proulx (voir ci-dessous), John Hex (membre du service de sécurité des SA le 30 septembre), Rachel Child (qui agissait à titre de médic, photographiée ci-dessous en compagnie d’Éric « Corvus » Venne), et d’autres individus abordés dans cet article :
[♫ Tout le monde… déteste les racistes! ♫]
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À Lacolle, Beauvais-MacDonald était à nouveau flanqué de son compagnon de voyage à Charlottesville, Vincent Bélanger Mercure, lequel portait d’ailleurs le même chandail niaiseusement ironique (propreté -> pureté, la pognez-vous?) que lors de son passage remarqué en Virginie.
[♫ Tout le monde… déteste les racistes! ♫]
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Un autre admirateur désinvolte d’Hitler (mais qu’il ne faudrait surtout pas confondre pour un raciste) était de la partie à Lacolle : le bien nommé René Blaireau. Lui qui ne cache pourtant pas son mépris des musulmans assume encore plus vigoureusement son antisémitisme primaire :
[♫ Tout le monde… déteste les racistes! ♫]
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Ce qui nous emmène à un de nos protagonistes préférés de toute cette bande de (pas) racistes : l’inénarrable Robert Proulx. Ce « chef de sécurité » autoproclamé des manifs de La Meute, du Front patriotique du Québec et maintenant, de Storm Alliance (on nous souffle à l’oreille que La Meute l’aurait cavalièrement crissé dehors dans la foulée du récent putsch), répète à chaque occasion qu’il ne peut pas être raciste, puisqu’il est « amérindien » (sic). Proulx insiste à faire valoir son identité « iroquoise » (sic) et son statut de « warrior », et a utilisé très ostentatoirement le drapeau de l’Unité dans de nombreuses manifestations à caractère identitaire en 2017. Pourtant, il a lui-même avoué à Radio-Canada son ignorance de la signification réelle du drapeau de l’Unité (qu’il appelle « le drapeau avec le soleil ») et s’est judicieusement engagé à ne plus le porter dans les manifs. Il semble par ailleurs avoir une compréhension tout aussi approximative du drapeau de la confédération iroquoise, si l’on se fie au post suivant :
Quelque soit l’identité dont il se réclame, il est clair que Proulx est un complice actif du racisme. Prenons pour preuve sa proximité avec pratiquement tous les personnages (pas) racistes décrits dans cet article, dont le groupie d’Hitler mentionné ci-dessus, René Blaireau.
Sans mentionner sa participation enthousiaste à titre de fier-à-bras aux événements organisés par des groupes identitaires anti-immigration[1], les nombreux commentaires islamophobes ou carrément fachos qu’il « like » à tour de bras (voir par exemple les « 14 words » et le #makefascismgreatagain de Shawn Beauvais-MacDonald, ci-dessus) et son partage du mot-clic xénophobe #remigration mis de l’avant par les militant-e-s du groupuscule néofasciste Atalante.
Dans son entrevue avec Stu Pitt, Proulx dit ne « pas savoir pourquoi » il est « pris pour cible » par les antifas. Il dit « protéger » les « manifs contre le racisme », mais pas les « néonazis ou quelque chose comme ça », parce que c’est « pas dans [son] bag ».
Robert, STP, lis cet article attentivement. Ça va peut-être t’aider à commencer à comprendre…
[♫ Tout le monde… déteste les racistes! ♫]
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Pour revenir au thème d’Hitler et des nazis, une autre participante à la manif de SA à Lacolle est la désopilante Chantal Duchesneau, qui se demandait récemment sur sa page Facebook, « à la blague », bien entendu, « combien d’illégaux (sic) pourrais (sic) être héberger (sic) » dans une chambre à gaz du camp de concentration nazi de Dachau. Doit-on vraiment insister sur le caractère parfaitement horrible et grotesque de ce commentaire?
[♫ Tout le monde… déteste les racistes! ♫]
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Et pour boucler ce tour d’horizon des (pas) racistes qui étaient à Lacolle avec les SA, décernons une mention spéciale à l’animatrice de la page Anti-Antifa Québec, Stéphanie Godbout/Langevin/X, et à son chum Vincent Gariépy/Bergeron/X, un autre abonné des services d’ordre des manifs identitaires, dont celle de La Meute à Québec le 20 août dernier. Ce couple de (pas) racistes est proche des Soldats d’Odin, une organisation anti-immigration fondée par un néonazi en Finlande et dont la section locale, sous la direction de Katy Latulippe, est restée fidèle au credo suprémaciste de ses origines.
À titre d’exemple récent de son (pas) racisme[2], Stéphanie Godbout/ Anti-Antifa Québec a chaudement applaudit la marche au flambeau néonazie à Charlottesville en partageant la publication de Jason Kessler, le principal organisateur du rassemblement suprémaciste Unite the Right.
[♫ Tout le monde… déteste les racistes! ♫]
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BONUS!
Little known fact, au matin du 30 septembre, un valeureux Soldat d’Odin a tenté de paralyser les autobus nolisés par Solidarité sans frontières pour transporter les manifestant-e-s antiracistes à Lacolle. Des œufs remplis de gouache aux couleurs vives ont été projetés sur le pare-brise du premier autobus du convoi. Malheureusement pour lui, des camarades qui étaient déjà sur les lieux pour assurer la sécurité du convoi l’ont pris en chasse et vite rattrapé. Heureusement pour lui, la police était aussi sur les lieux et a procédé à son arrestation sur le champ. (Pour la petite histoire, la gouache étant notoirement soluble dans l’eau, il n’a fallu aux camarades qu’une dizaine de minutes pour nettoyer le dégât. Le fameux attentat néonazi à la gouache dont les Soldats d’Odin se félicitent sans honte n’aura finalement ni empêché, ni même ralenti le déplacement des antiracistes… Fail.)
Ce garnement à la gouache Dollorama n’était nul autre que David Leblanc, un skinhead raciste, membre des Soldats d’Odin, que les habitué-e-s de ce site ont déjà aperçu, notamment en compagnie du (pas) raciste Robert Proulx.
Ce dernier, à Lacolle, s’est énergiquement plaint aux médias que son commerce avait été vandalisé par des antifascistes (sans preuve, d’ailleurs), mais l’ironie du sort a voulu que son acolyte Leblanc se livre exactement au même exercice au même moment. Malheureusement pour eux, nous avons la preuve que le geste de Leblanc a été prémédité et préparé avec l’assentiment de plusieurs Soldats d’Odin, dont les chefs Norm SOO et Katy Latulippe.
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Bref, quoi qu’en pensent les Stormers qui chantaient [♫ Tout le monde… déteste les racistes! ♫], on peut dire avec certitude que les racistes, ce jour-là, étaient de leur bord de la haie de policiers…
– Montréal Antifasciste
À cet égard, l’ancien boxeur « professionnel » Proulx ne se prend clairement pas pour du 7-Up flat. Dans une entrevue toute récente avec le vlogueur alt-right Stu Pitt, il suggère que ça n’est que depuis qu’il « sécurise » lui-même les manifs que les gens y viennent parce qu’ils n’ont plus peur. Il évoque aussi un incident qui se serait produit le 4 mars 2017 comme élément déclencheur l’ayant incité à devenir spontanément grand chef de la sécurité des manifs identitaires. Or, son évocation de l’incident est un tissus d’exagérations. À écouter Proulx s’épivarder en étirant systématiquement les contours de la vérité, on se demande d’ailleurs s’il ne serait pas un peu mythomane sur les bords…
https://www.youtube.com/watch?v=ODnrH4ZTYnI
Sa page a été fermée par Facebook il y a quelque temps, emportant avec elle d’innombrables commentaires xénophobes, islamophobes et racistes, en plus de toute la haine viscérale des antifascites que le nom de la page commande.