Le lundi 11 juin 2018, au lendemain de la fin de semaine de répression visant les mobilisations contre le G7, une publication anonyme était partagée sur la page Facebook d’un collectif féministe (Les Gamines) connu pour avoir partagé dans le passé des dénonciations de violences sexuelles commises dans les milieux militants montréalais. À première vue, la publication partagée par un faux compte (« Zora Xeno ») s’apparentait à une dénonciation anonyme de violences sexuelles qu’on aurait pu lire ces dernières années. Dans le texte, une militante dénonçait un militant qui lui avait attouché les seins pendant une manifestation du G7. Le texte était accompagné d’une photo prise dans une manifestation contre le G7 à Québec, de deux personnes masquées. « Zora Xeno » demandait des informations pour identifier son « agresseur »…

Il s’est toutefois avéré que la « dénonciation », partagée sur plusieurs pages d’organisations culturelles ou militantes de gauche du Québec et de l’Ontario, était en fait une pure fabrication de trolls de l’extrême-droite : croyant ainsi semer la zizanie au sein des milieux de gauche ou encore espérant pouvoir récolter des informations personnelles sur des militant.e.s. On pourrait également supposer que l’objectif était également de « prouver » comment la gauche va trop loin en qualifiant « tout et n’importe quoi » d’agression sexuelle. C’est ce que le duo DMS a tenté de faire en partageant la dite « dénonciation » sous forme de meme pour la ridiculiser et en utilisant ironiquement le hashtag #MoiAussi. Cependant, quoiqu’en pensent ces crypto-fascistes misogynes, l’attouchement sexuel (comme se faire toucher les seins sans consentement) est bel et bien une forme de violence sexuelle.

Publication du faux compte Zora Xeno sur le journal de la page féministe Les Gamines

 

Histoire démentie

Si la formulation semblait inhabituelle (comme une traduction Google) et les concepts utilisés semblaient un peu mélangés (« parce que l’ACAB »), notre premier réflexe a été de croire la dénonciation alors qu’une poignée de droitistes tentaient de ridiculiser/minimiser/banaliser sur leur page Facebook.

Toutefois, c’est très rapidement que les personnes présentes sur la photo s’y sont reconnues et ont confirmé que le tout était entièrement inventé. La personne présentée comme victime par le texte de « Zora » a affirmé qu’elle n’était pas du tout à l’origine d’une telle publication. Déjà, on avait la preuve formelle que cette publication était une « fausse dénonciation ». Mais qui avait pu être à l’origine d’une telle bassesse?

Meme publié sur la page de DMS lundi le 11 juin 2018 et supprimé une heure plus tard.

D’abord, c’est le partage de la « dénonciation » par le groupe DMS qui nous a mis la puce à l’oreille. Tel que mentionné plus haut, ils avaient fait une capture d’écran de la « dénonciation » pour la ridiculiser. Comme on peut le voir dans l’image 2, leur capture d’écran aurait été faite 15 minutes après que le faux compte « Zora Xeno » aille publié son texte sur la page des Gamines. C’est tout à fait inhabituel que des misogynes antiféministes suivent aussi assidûment une page Facebook féministe inactive depuis plusieurs mois pour faire une capture d’écran aussi rapidement. À moins de rechercher soi-même sur la page du groupe féministe et de cliquer sur « Publications des visiteurs » et de tomber par hasard sur une dénonciation publiée il y a 15 minutes par un compte Facebook qui n’a aucun ami (donc, aucune chance de « popper » dans le fil d’actualité de qui que ce soit). Bref, ça semble peu probable que le hasard soit derrière tout ça…

Possiblement qu’en voyant que la tentative de fausse dénonciation n’avait pas les effets souhaités, DMS supprimait son meme une heure plus tard.

C’est quoi DMS?

DMS est un duo de vidéastes ultranationaliste formé de Maxime « DaMcLuv » Morin et Guillaume « Caporal Chef » Beauchamp. Morin, un homophobe, antisémite et antiféministe notoire, s’est d’ailleurs fait remarquer pour sa participation au forum néonazi montréalais « Montréal Storm » sous son pseudonyme « DaMcLuv » (et dont la propagande est appréciée par le fasciste (autoproclamé) Shawn Beauvais-Macdonald. Quant à Beauchamp, il est tout aussi antiféministe et antisémite, en plus de présenter des tendances sociopathes. Ce duo de cabochons pourrait être  grossièrement classé dans la mouvance Alt-Right (« droite-alternative », consultez le glossaire à ce sujet). Ils se sont fait connaître en tentant de doxxer (divulguer des informations personnelles) des militant.e.s de gauche.

Instrumentalisation crasse

Cette instrumentalisation crasse de la dénonciation anonyme de violences sexuelles ne nous empêchera pas de croire les survivant.e.s et les victimes qui continueront d’opter pour cette tactique. Cette dernière prend tout son sens dans une société où la culture du viol persiste et où les canaux officiels (judiciaires, au travail, dans les écoles, etc.) de plaintes sont inadéquats, re-traumatisants. Les vagues de dénonciations comme #MoiAussi ou #AgressionNonDénoncée en sont une démonstration claire d’année en année.

Cet épisode aura permis de constater encore une fois l’hypocrisie et le mensonge de l’extrême-droite. Ils sont les premiers à chier sur les survivantes et les victimes parce qu’ils croient que les femmes sont des « menteuses » qui font des « fausses accusations » de viol, mais ils inventent une fausse dénonciation de toute pièce. Ils sont les premiers à critiquer les médias de masse pour leur désinformation, mais sont ceux qui montent une histoire entièrement fausse. Et pour prouver quoi? Qu’ils croient que les attouchements sexuels doivent être banalisés? Qu’ils sont misogynes? Que le phénomène rampant des violences sexuelles et de domination genrée traverserait aussi les milieux de gauche?

Bref, il apparaît clairement que cette fausse dénonciation était l’œuvre de l’extrême-droite. Nous dénonçons donc cette instrumentalisation de la tactique de dénonciation d’agressions sexuelles. Nous continuerons à combattre la culture du viol et à soutenir et croire les survivantes.