Résumé

Les Three Percenters (III %) sont une milice d’extrême droite originaire des États-Unis. Au Canada, c’est en Alberta et en Colombie-Britannique que le groupe est le plus solide. Estimant que l’Islam et l’immigration représentent des menaces pour le Canada et les États-Unis, les « Threepers » tendent à adhérer à diverses théories du complot, à se préoccuper de manière obsessive du droit aux armes à feu (les membres doivent détenir un permis de port d’arme), et à rechercher et relayer compulsivement des rumeurs sur de supposées attaques terroristes imminentes ainsi que des « preuves » de diverses attaques dont l’existence aurait été « dissimulée » par les médias.

Historique

Les Three Percenters (III %) sont un groupe inspiré par une organisation paramilitaire américaine du même nom formée après l’élection de Barack Obama en 2008 (l’appellation « 3 % » dérive du mythe voulant que seulement trois pour cent des Américains aient participé à la guerre d’indépendance contre les Britanniques). La milice des III %, comme on les appelle souvent, promet une résistance armée contre toute tentative de limiter l’accès des Américains aux armes à feu. Leurs objectifs politiques dépassent toutefois largement la position proarmes. Aux États-Unis, les III % ont participé activement à des patrouilles le long de la frontière avec le Mexique, bloqué des bus remplis de migrant-e-s déjà détenu-e-s et organisé des rassemblements anti-réfugié-e-s. Les membres des III % ont manifesté devant des mosquées et ont été impliqués dans un certain nombre d’incidents violents, notamment en novembre 2015 lorsqu’un militant du groupe a tiré sur cinq personnes lors d’un rassemblement de Black Lives Matter à Minneapolis.

Structure et fonctionnement

Les III % fonctionnent de manière décentralisée sous une direction nationale non élue. Le président canadien est actuellement Kazimir « Kazz » Nowlin. Les sections provinciales sont dirigées par des « officiers exécutifs » et les « divisions » régionales subalternes sont dirigées par des « sergents-majors ». Il existe des groupes dans différentes régions du Canada et il semble y avoir eu une tentative d’établir plusieurs sections locales au Québec, avec un succès apparemment limité.

Faits d’arme

Les III % ont connu leur début au Canada sous la forme d’un groupe Facebook, après l’élection de Justin Trudeau. Il y avait en 2017 des groupes III % dans plusieurs provinces canadiennes, initialement sous la direction de Robert « Beau » Welling (basé en Alberta), qui s’est plus tard associé  à Carl « Goose » Mackay. Leur première grande intervention publique a été d’assurer la « sécurité » d’un rassemblement avec la provocatrice islamophobe professionnelle Sandra Solomon à Calgary, le 3 juin 2017, ostensiblement à la défense de sa propre liberté d’expression. Comme le relate un reportage de Vice sur ce rassemblement : « Certains des III % (…) portaient des matraques électriques (une arme “non létale” pouvant décharger jusqu’à un million de volts à la personne touchée) tandis que d’autres portaient des matraques régulières ou des cannes. Sur de nombreux t-shirts figurait le credo des III %, “NSA”, Never Standing Alone (jamais seuls). Des petits groupes de personnes étaient éparpillés autour de la place et surveillaient les opérations en surplomb, tandis que des membres des III % en civil se déplaçaient dans la foule pour recueillir des renseignements sur ce qu’ils considéraient comme l’ennemi du jour, les “Antifas”, le groupe antifasciste. »

C’est en Alberta et en Colombie-Britannique que les III % ont toujours été le plus solide au Canada. Bien qu’ils n’aient pas encore utilisé la violence armée contre leurs cibles, la section albertaine du groupe affirme s’entraîner avec des armes à feu sur une base hebdomadaire, et a mené des opérations de « surveillance » (ou d’intimidation, selon le point de vue) visant des mosquées. Le 28 novembre 2018, la direction du groupe est passée de Robert Welling à Kazimir « Kazz » Nowlin, un ancien chef de la section des Soldiers of Odin de Thompson (BC). L’un des premiers actes de Nowlin a été de demander à tous les membres des III % de se procurer des armes airsoft, vraisemblablement pour contourner les tracas juridiques auxquels s’exposent les groupes qui s’entraînent avec de vraies armes à feu.

La page Facebook des III % Québec a été créée le 2 janvier 2016, ce qui en fait l’une des premières au pays. Des groupes ont été formés dans différentes régions, mettant généralement l’accent sur l’entraînement en plein air. En juillet 2019, on recensait des pages Facebook III % pour le Québec dans son ensemble ainsi que pour Montréal-Rive-Sud, Rive-Nord Laurentides, Bellechasse, Outaouais, Mauricie, Sherbrooke, Bas-Saint-Laurent/Gaspésie, Lanaudière, et la région de la Capitale. La plupart de ces pages sont toutefois inactives, n’ayant pas réussi à prendre un quelconque élan. À l’exception de la page « provinciale », seules les pages de l’Outaouais et de la Mauricie semblent compter des membres actifs ou présenter une quelconque activité, laquelle reste rare selon les normes des médias sociaux. Jusqu’à l’année dernière, la plus grande  (et possiblement la seule) section locale au Québec était celle de Montréal, dirigée par le « sergent-major » Jonathan Gagnon. Toutefois, en décembre 2018, les dirigeants des III % du Québec, Éric Vachon et Carl Mackay, ont désavoué et fait fermer la section locale Montréal-Rive-Sud, officiellement parce que celle-ci aurait été organisée sans leur permission (bien que cela semble malhonnête, la vraie raison probable étant que des activités non autorisées ont été menées). À peu près à la même époque, plusieurs membres des III % de la région de Québec se sont joints au Groupe Sécurité Patriote, lequel avait été créé par des proches du Front patriotique du Québec (FPQ).

Le premier événement d’extrême droite anti-immigration auquel des membres des III % du Québec ont été identifiés est la manifestation coorganisée par Storm Alliance et La Meute le 25 novembre 2017, à Québec. Peu de temps après, plusieurs personnes proches du mouvement ont signalé leur intention de participer à une manifestation contre le registre des armes à feu le 2 décembre 2017, devant avoir lieu sur le site de la commémoration des victimes du massacre de Polytechnique de 1989, au cours duquel 14 femmes ont été assassinées par l’antiféministe Marc Lépine. (Suite au tollé soulevé par cette proposition et l’annonce par des féministes qu’elles avaient l’intention d’empêcher la tenue de cette manifestation, l’événement s’est finalement transformé en « rassemblement » dans une cabane à sucre de Neuville, près de Québec). Depuis, les membres des III % du Québec ont à plusieurs reprises formé des groupes de sécurité lors de manifestations organisées par d’autres groupes d’extrême droite à Montréal, à Québec et au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle (où ils ont notamment été mêlés à une altercation avec une contremanifestante antifasciste, ce qui a entraîné le doxxing de cette dernière). Le 8 décembre 2018, les membres du Québec se sont également rendus à Ottawa où ils se sont joints aux Threepers venus d’ailleurs au Canada à l’occasion d’une manifestation d’extrême droite contre le Pacte mondial pour les migrations des Nations Unies.

Bien que le groupe soit clairement islamophobe et implicitement raciste, il n’est pas ouvertement suprémaciste. De nombreux membres insistent en fait pour nier qu’ils sont racistes, et le leader canadien, Kazimir « Kazz » Nowlin, est autochtone.

En avril 2019, une enquête menée par Montréal Antifasciste a révélé que Stéphane Dufresne, un membre des III % du Québec, avait affirmé dans des discussions en ligne avec des néonazis qu’il s’apprêtait à perpétrer un « faux attentat terroriste » afin de « réveiller les gens ».

Bien que les pages des médias sociaux des III % Québec aient été relativement tranquilles en 2019, il est difficile de dire si cela reflète une diminution de l’activité sur le terrain. Alors qu’un petit nombre de personnes affiliées étaient présentes à la manifestation de la « Vague bleue » à Montréal le 4 mai 2019, elles n’y portaient pas leur insigne III % (contrairement aux événements précédents).

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