Ce qui suit est la déclaration d’un camarade de l’Alberta en réponse à la récente publication d’un rapport par l’Organisation pour la prévention de la violence (OPV), un groupe de recherche basé à Edmonton et financé par le gouvernement fédéral. Avec la permission de l’auteur, nous avons choisi de traduire et de publier cette déclaration sur notre propre site, car les questions qui y sont abordées ne sont pas du tout exclusives à l’Alberta. La fumeuse « théorie du fer à cheval », qui qualifie « d’extrémistes » toute espèce de mouvements à caractère antisystème et postule (à tort) l’existence d’un processus de « radicalisation réciproque » entre groupes et mouvement que tout oppose, constitue le cadre théorique de la répression de l’État et de ses apologistes.
Comme nous l’avions dit en 2017 au sujet de notre exemple local de ce même phénomène:
« [Ces] entités sont des éléments caractéristiques du paysage lorsqu’on s’engage dans la lutte antifasciste. L’antifascisme n’est pas une bataille simple entre deux adversaires, soit nous contre les nazillons. C’est une lutte à trois, dans laquelle il nous faut nous battre non seulement contre l’extrême droite mais aussi contre des organismes étatiques et paraétatiques qui sont tout aussi hostiles (sinon plus) à la gauche radicale qu’à l’extrême droite. Le plus souvent, ces entités étatiques et paraétatiques bénéficient de relations privilégiées avec les médias et d’autres organes de l’État, ainsi que d’un financement généreux qui leur permet de prendre énormément de place dans le débat public sur l’extrême droite. »
Nous encourageons nos camarades à lire ce texte et à se tenir à bonne distance d’entités comme l’OPV (ou localement, le CPRMV), pour leur propre sécurité et pour celle de notre mouvement.
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Le rapport de l’OPV sur l’extrémisme: une attaque en règle contre l’antifascisme révolutionnaire
(par Jason Devine, Calgary Anti-Racist Action)
Récemment, l’Organisation pour la prévention de la violence (OPV) d’Edmonton a publié un rapport intitulé Building Awareness, Seeking Solutions : Extremism & Hate Motivated Violence in Alberta (2019).
D’abord, qu’est-ce que l’OPV? D’après son site Web, l’organisme prétend être un « modèle international de pratiques exemplaires pour la lutte contre la violence extrémiste ». S’ils ne précisent pas qui, à part eux-mêmes, les considère comme un « modèle de pratiques exemplaires », ils affirment être un « groupe diversifié de professionnels aguerris dans le domaine de la réduction des risques et de la lutte contre la violence extrémiste et d’autres formes de violence ». L’organisme dit avoir développé des partenariats avec le Service de police d’Edmonton (EPS), la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Gouvernement de l’Alberta, la Ville d’Edmonton, et REACH Edmonton. Notons au passage que Sécurité publique Canada, le ministère fédéral chargé de la lutte au terrorisme et à la criminalité, ne figure pas dans cette liste. Selon le Calgary Herald, l’OPV a reçu une subvention de 1,2 million de dollars de ce ministère pour produire son rapport. L’OPV peut donc être décrite comme un groupe de réflexion financé par l’État canadien et qui travaille de concert avec lui.
Le rapport en question affirme qu’il existe « un large éventail d’idéologies et de mouvements qui alimentent l’extrémisme, y compris l’extrémisme violent, en Alberta ». Il affirme en outre, avec un sentiment d’urgence encore plus aigu, que l’Alberta fait présentement face à une « diversité de menaces » émanant de six types distincts d’extrémisme. Ceux-ci sont : Al-Qaeda, ses groupes alliés et scissions (AQAS); l’extrémisme anti-autorité; l’extrémisme de gauche; les groupes de patriotes et de milices; les extrémistes à cause unique; et les suprémacistes blancs et les idéologies associées. Quiconque a la moindre connaissance de ces différents groupes sait pertinemment qu’ils n’ont aucun dénominateur idéologique commun. Comment l’OPV en arrive-t-il à les regrouper sous la bannière commune de l’extrémisme? Il le fait en recourant à une tactique de base : l’amalgame grossier. Des termes dont les sens respectifs sont fort éloignés, tels que « haine », « violence », « extrémisme » et « terrorisme », sont employés ici de façon interchangeable. Ceci n’est pourtant pas un signe de confusion théorique, mais un choix tout à fait conscient. En réunissant ces groupes et idéologies très différents sous le grand parapluie de « la violence », les différences historiques, idéologiques et tactiques bien réelles qui les distinguent entre elles sont subtilement effacées. De plus, le rapport affirme que le niveau de menace global posé par tous ces groupes est élevé. En effet, le rapport déclare ouvertement que « tous ces mouvements ont le potentiel de produire des menaces pour la sécurité publique et de nuire à notre tissu social ». Comme on peut le constater, le ton du rapport est généralement très alarmiste.
La section qui nous inquiète le plus porte sur ce que le rapport nomme « l’extrémisme de gauche ». Il faut d’abord noter que cette section est truffée d’erreurs, de mensonges et d’exagérations. Par exemple, le rapport indique que « les sections décentralisées de groupes comme Anti-Fa ont réussi à obtenir un soutien international en s’organisant autour d’objectifs politiques communs, socialistes et non discriminatoires ». Il n’existe pourtant aucun groupe appelé « Anti-Fa ». L’OPV ne donne d’ailleurs aucune preuve de son existence, ce qui n’est pas du tout étonnant, puisque ce groupe n’existe pas. Certes, il existe indéniablement un mouvement antifasciste mondial, mais il n’y a aucune formation organisée appelée « Anti-Fa ». Il serait bien sûr tentant d’attribuer une erreur aussi grossière à la piètre qualité des recherches effectuées, mais il est bien plus probable qu’il s’agisse d’un mensonge alarmiste servant à justifier l’inclusion de cette section dans le rapport. Le rapport suggère également que le site web Anti-Racist Canada (ARC) fait partie d’un certain nombre de « groupes autodésignés ARA ». L’ARC n’est pas un groupe ARA, ne fait pas partie du mouvement ARA, n’est pas reconnu comme faisant partie d’ARA et n’a jamais lui-même prétendu être un groupe ARA. Un dernier exemple : le rapport affirme que Calgary Anti-Racist Action prône « l’idéologie socialiste ». C’est un pur mensonge. Calgary ARA n’est ni socialiste, ni anarchiste, mais une organisation anticapitaliste dont les membres représentent diverses tendances politiques, y compris le communisme, le socialisme et l’anarchisme. Cette information est d’ailleurs publique depuis plus de dix ans. Voilà ce que donnent 1,2 million de dollars de recherche…
Il est important de noter que « l’analyse » que propose le rapport au sujet du prétendu « extrémisme de gauche » commence à la page 74, tandis que la discussion portant sur l’Alberta en particulier ne commence qu’à la page 83. Les neuf premières pages sont donc consacrées à une discussion générale sur ce qui se passe ailleurs qu’en Alberta. De plus, aucune de leurs citations dans cette section ne concerne l’Alberta directement. À l’exception d’un seul article portant sur Ottawa, toutes les citations portent sur les États-Unis. L’OPV ne fournit aucune base documentaire pour appuyer ses affirmations sur Calgary ARA.
Vers la fin de cette section, en résumant la menace posée par « l’extrémisme de gauche » en Alberta, l’OPV fait une observation surprenante :
« À ce jour, l’extrémisme de gauche n’a généré aucun incident violent majeur en Alberta. Il faut également noter que les groupes et partisans du mouvement, en fonction de leurs tactiques et de leur comportement actuels, ne représentent pas une menace pour le grand public dans cette province, et qu’il n’y a aucune indication de violence planifiée… Dans son ensemble, le mouvement est majoritairement pacifique… »
Vous vous demandez probablement : « Pourquoi ARA est-il donc inclus, alors? » La question est particulièrement pertinente à la lumière de ce qui est écrit peu après :
« Lors de nos entretiens avec des organismes d’application de la loi en Alberta, de nombreux-ses répondant-es ont indiqué que la présence de militants antifascistes était une préoccupation locale, mais aucun-e d’entre eux n’a été en mesure de signaler des cas de violence planifiée constituant une menace grave pour le public. »
Le rapport profile donc les antifascistes révolutionnaires pour leur supposée prédisposition à la violence, pour ensuite reconnaître que ni dans le passé, ni dans le présent, ni même dans le futur, n’existe-t-il un exemple concret de « violence planifiée » de la part d’antifascistes en Alberta. Alors, pourquoi les y inclure? Cela devrait maintenant être clair : l’inclusion des antifascistes dans le rapport permet à l’OPV de justifier son affirmation à l’effet qu’il existe une multiplicité de menaces extrémistes. Ce n’est pas un hasard si la majorité des personnes interviewées pour le rapport appartenaient aux forces de l’ordre. Bref, ce rapport représente le point de vue des forces de l’ordre en Alberta. L’OPV, en tant que groupe de réflexion au service de l’État, agit donc manifestement en porte-voix pour les préoccupations, les intérêts et la vision du monde des forces de police. Il ne s’agit pas d’un travail de science sociale de niveau universitaire, mais bien d’un outil de propagande coûteux, conçu pour justifier et légitimer l’État canadien, son idéologie et ses pouvoirs de surveillance et de contrôle social.
Enfin, je tiens à souligner que l’auteur principal du rapport, John McCoy (directeur exécutif de l’OPV), a communiqué avec moi l’an dernier. Nous avons correspondu à plusieurs reprises par courriel et nous sommes également rencontrés en personne. Il m’avait écrit pour me demander de l’aide avec sa recherche. Cependant, je comprends maintenant qu’il m’a caché la vraie nature de son travail lors de nos entretiens. Il m’a affirmé qu’il travaillait sur un « rapport sur la suprématie blanche en Alberta », qui viserait « l’extrémisme de droite en Alberta » avec une espèce de « contre-discours ». Il m’a demandé à plusieurs reprises de lui donner des renseignements sur Blood & Honour et d’autres groupes. Croyant qu’il n’était qu’un universitaire, j’ai partagé avec lui les renseignements dont je disposais. Comme il m’a dit à une autre occasion : « Je poursuis mes recherches sur l’extrémisme de droite en Alberta ». À aucun moment ne m’a-t-il révélé l’étendue de ses recherches. Ainsi, alors que je croyais simplement aider un chercheur universitaire avec son projet, ARA faisait elle-même l’objet d’une enquête! Son approche était totalement malhonnête et manipulatrice. D’autant plus que cela se produisait à une époque où Blood & Honor avait fait du tractage à mon domicile familial pour nous menacer à nouveau. McCoy s’était présenté comme attentionné et intéressé, mais son seul objectif était de bâtir son récit policier sur la prétendue menace publique posée par Action antiraciste Calgary (CARA).
CARA est une organisation anticapitaliste adhérant aux « quatre principes d’unité » de l’Action antiraciste (ARA). Comme l’affirme le premier point :
« Nous allons où ils vont. Chaque fois que les fascistes s’organisent ou sont actifs en public, nous serons là. Nous rejetons l’idée qu’il est préférable de les ignorer ou de rester loin d’eux. Nous ne laisserons jamais la rue aux nazis! »
Ce principe repose sur la compréhension du fait qu’un fasciste qui ne rencontre aucune opposition est encouragé à transformer en action son idéologie génocidaire. Le fascisme ne mourra jamais de lui-même : il doit donc être activement combattu. Car si l’on définit le fascisme uniquement par ses camps de concentration, et qu’on attend de voir se dresser ces camps pour parler de fascisme, il sera alors trop tard pour faire ce qu’il aurait fallu faire dès le départ. Le but est de l’arrêter, par tous les moyens nécessaires, avant qu’il n’atteigne ses objectifs ultimes.
Cette prise de conscience stratégique nous conduit à notre deuxième principe d’unité :
« Nous n’attendons pas que les flics ou les tribunaux fassent notre travail à notre place. Ça ne veut pas dire que nous n’allons jamais devant les tribunaux, mais nous savons que les flics existent pour défendre la suprématie blanche et le statu quo. Ils nous attaquent, comme ils attaquent tou-tes celleux qui résistent à l’oppression. Nous devons compter sur nous-mêmes pour nous protéger et pour arrêter les fascistes. »
L’État constitue la base institutionnelle du fascisme et, en tant que tel, on ne peut pas lui confier la tâche de combattre le fascisme. De plus, puisqu’il est l’une des racines de ce dernier, l’État doit être détruit, de même que le capitalisme et l’impérialisme. Nous sommes révolutionnaires, et notre antifascisme n’est donc pas libéral, mais radical et militant – c’est-à-dire révolutionnaire. Pour citer la dernière ligne du quatrième point de notre base d’unité : « Nous voulons une société libre et sans système de classes. Nous vaincrons! »